- Que va-t-il se passer ? Vais-je revoir Deacon à l’endroit où nous allons ?
- Peut être.
- Savez vous où il vit ? Pourquoi n’empruntons nous pas des moyens de transports traditionnels ?
- Parce que c’est impossible. L’endroit où nous rendons n’est pas dans votre temps, Bridget. Il ne se situe pas au XXI eme siècle.
- A quelle époque allons-nous ? De quoi aurais-je besoin ?
- Nous partons pour le XIII eme siècle en Angleterre.
- Le XIII eme siècle ? Qu’aurais à y faire ?
- Ce que vous faite habituellement : aider.
- Aider ? Les femmes n’exerçaient pas la médecine en ce temps là.
- Il ne s’agit pas d’aider des malades mais de vous aidez vous-même. Je ne peux vous en dire plus. Tout ce qui ce passera une fois sur les lieux vous devrez le vivre par vous-même. Vous devrez vivre comme une contemporaine de l’époque. Vous n’aurez aucune garantie d’aucune sorte. Seul votre libre abrite vous guidera.
- Pas vous ?
- Je serai là à chaque étape du voyage. Nous arrivons.
***
- Que va-t-il se passer maintenant ? Où allons-nous ?
- Au XIII eme siècle en Angleterre.
- Au Moyen Age ! Qu’allons-nous faire là bas ?
- Vous sauvez, Deacon.
- Je vous demande pardon ?
- Me venir en aide ? En quoi le fait de voyager à travers le temps peut il me sauver ?
- Voulez vous ou non savoir si Bridget et vous êtes faits l’un pour l’autre ?
- Bien sur mais…
- Il n’y a pas de mais, mon garçon, vous avez accepté de m’accompagner dans ma mission. Il est trop tard pour revenir en arrière.
- Ce n’est pas ce que je désire mais j’aimerais simplement comprendre en quoi consistera ma mission. Je croyais, je pensais venir en aide à quelqu'un et devenir ainsi quelqu'un de meilleur : quelqu'un de bon.
- Vous êtes déjà quelqu'un de bon mais vous vous sous estimez.
- C’est que ce Bridget disait.
- Nous allons bientôt arriver.
- Très bien, mais dites moi au moins ce qui m’attend là bas. Comment suis-je censé me comporter, qui serais je, est-ce les personnes que je côtoierai serons qui serais je pour les habitants de cette époque ? Je ne peux décemment pas leur dire que je viens du futur.
- C’est le temps des croisades. La communauté juive est malmené de toute part et accuser des pires maux. En 1190, des nombreux juifs vont se suicider dans la cathédrale d’York où ils avaient trouvé refuge pensant pouvoir échapper aux massacres qui se déroule ou être converti de force. La situation ne fera qu’empirer : la communauté va subir des nombreuses humiliations, on leur imposera le port d’un signe distinctif, confiscation des biens, assassinats… pourtant un étudiant tombera amoureux d’une jeune femme juive. Cet amour est proscrit. Il quittera alors Oxford en abandonnant la femme qu’il aime. Celle-ci périra comme tous ses coreligionnaires.
Cet étudiant, c’est vous Deacon et cette femme c’est Bridget.
Vous êtes là pour voir si vous changerez tout cela. Mais attention : comme je vous l’ai dis vous serez un contemporain de l’époque et vous ignorez tout ce que je viens de vous raconter. Ce sera à vous en votre âme et conscience de décidez de ce que vous ferez. Votre amour sera-t-il assez fort pour braver les interdits au point de risquer votre vie ?
Nous sommes arrivés.
***
- Nous y sommes, Bridget. Pour le moment personne ne peut nous voir. Nous sommes invisibles. Prenez ceci. Vous devez être vêtue de manière à passer inaperçue.
- Qu’avez-vous voulu dire par « m’aider moi-même » ?
- Laissez parler votre cœur. Je dois vous laissez maintenant. Nous nous reverrons à la prochaine étape.
- La prochaine étape ? Que voulez vous dire ?
Mais l’ange avait disparu. Bridget se retrouva vetue comme une femme du XIIIe siècle avec une étoile jaune sur elle, au beau milieu d’une rue pavée, étroite et sombre. Etrangement cependant elle se dirigea naturellement vers une maison en bois à façade étroite.
La jeune fille terrifiait regarda à maintes reprises derrière elle.
Lorsqu’enfin elle atteignit sa maison, elle ôta son manteau et son bonnet et s’assit sur la chaise en bois la plus proche du poêle.
Son père entra quelques minutes après elle, un livre de prière à la main.
- Tu es là ma fille.
- Oui, père, je viens tout juste d’arriver.
- Il ne fait pas bon parcourir les rues seules de nos jours pour une jeune fille juive.
- Je regrette, père. Je suis allée montrer mon ouvrage à Edwina.
- Nous approchons de Pessah, ma fille, les soldats du roi rode partout et le peuple l’aide dans sa tache.
- Je suis désolée, père, cela ne se reproduira plus.
On frappa à la porte. Rabénou Isaac alla ouvrir. Un jeune homme aux cheveux blonds foncé et les yeux bleus se tenait devant la porte. Il était vêtu de vêtements chics de la haute société.
- Que faites-vous ici ?
- Je dois vous parler.
- Entrez ! Est ce quelqu'un vous a vu venir chez moi ?
- Non, rassurez vous, je me suis assuré que personne ne m’ait suivi.
Dieu vous bénisse, Bridget.
- Messire. Vous joindrez vous à père et moi pour le souper ?
- J’en serai ravi, Bridget, si bien sur Rabénou Isaac est d’accord.
Rabénou Isaac était le vieux rabbin de la synagogue d’Oxford. Homme humble, veuf depuis des années il éleva sa fille, Bridget, selon des principes rigoureux. Il enseignait l’hébreu et le judaïsme à l’université hébraïque de Londres aux futurs rabbins. C’est là qu’il fit la connaissance de Deacon. Etudiant dominicain, sous les conseils de son évêque qui lui conseilla d’étudier l’hébreu afin de pouvoir mieux servir le Seigneur Christ plus tard lorsqu’il serait prêtre.
- Vous ne devriez pas, vous risquez l’excommunication.
La jeune fille se leva. Ses grands yeux bleus toisèrent ceux du jeune homme qui faisait battre son cœur. Elle était revêtue d’une robe humble, ses longs cheveux d’un merveilleux blond doré retombaient sur ses épaules.
Le jeune homme croisa le regard de la jeune fille mais du feindre l’ignorance.
- Rabénou Isaac, il m’importe peu d’être excommunier. Vous savez que je désire plus que tout me convertir à la Foi des hébreux et obtenir la main de votre fille. Je vous promets de faire d’elle une femme heureuse. Personne ne l’aimera jamais de la manière dont je l’aime.
- Vous convertir maintenant ne serait que pure folie !
- Mais l’amour n’est il point pure folie ?
- En d’autre temps, d’autres lieux, j’aurais accédé à votre requête, mais pas ici, pas maintenant. Je n’ai pas le droit de vous faire courir ce risque. Il ait des bruits qui court que le roi d’Angleterre ne tardera point à écrire un édit interdisant les conversions au judaïsme et vous le savez aussi bien que moi.
- Mais ce n’est pas encore fait.
- Vous rendez vous compte de ce qui arrivera si j’accédais à votre demande ? Vous devrez renoncer à votre foi chrétienne, dire adieu à tout ce dont vous rêviez, votre ambition de devenir prêtre…
- Ceci est le rêve de mon père ce n’est point le mien.
Deacon soupira.
- Rabbi, je sais à quoi m’attendre. J’ai déjà réfléchi à tout cela et j’en suis parvenu à une seule conclusion. Je ne veux point devenir prêtre…
- Ceci est à voir avec votre père. Peut être aura-t-il une femme de votre religion et votre rang à vous présenter.
- Je n’ai que faire de toutes ces femmes. C’est de Bridget dont je suis épris. J’ai de l’argent. Apres notre mariage nous pourrions partir tous les trois loin de Londres.
- Et pour aller où ? Les croisés assassinent mon Peuple partout où ils passent.
Rabénou Isaac soupira.
- Je ne puis vous accorder la main de ma fille en mariage et je vous demanderez de sortir de chez moi et de ne plus jamais y revenir. Vous mettez autant votre vie que celle de ma famille en danger.
La mort dans l’âme, Deacon sortit de chez le vieux rabbin. En entrant dans sa cellule au monastère, il s’allongea sur nappe et réfléchi. Il savait que le vieux rabbi avait raison cependant il ne pouvait point devenir prêtre désormais. Ceci était une certitude. Non seulement il doutait de plus de sa foi mais de plus il aimait profondément Bridget et rêvait d’un avenir avec elle. Il imaginait sa vie avec elle et leurs enfants. Mais comment faire ? Comment parvenir à ce but ? Epuisé il fini par s’endormir.
***
- Je suis désolé, ma fille mais je n’avais point d’autre solution.
- J’en suis consciente, père. C’est juste que je l’aime.
- C’est amour est interdit autant par nos lois que par celle du roi d’Angleterre. Deacon est un jeune homme brillant avec la fortune de son père il est promu à un grand avenir. Avenir dont tu ne pourras point faire partie, ma fille. Tu dois le laisser à son destin et accomplir le tien.
- Quel sera-t-il si je ne puis point être avec mon bienaimé ?
- L’avenir est entre les mains de Dieu, ma fille.
- J’aime cet homme, père.
- J’en ai conscience, ma fille. Mais je regrette, tu ne pourras point l’épouser. Il est l’heure de la prière du soir, je dois y aller. Je compte sur toi, ma fille, pour ne point faire quelque chose d’irraisonnable.
- Vous pouvez avoir confiance en moi, père.
Le vieux rabbin déposa un baiser sur le front de sa fille et partit pour l’office du soir. La jeune fille vaqua à ses occupations ménagères avant de saisir son ouvrage de broderie.
***
A son réveil, Deacon avait un mal de tête. Il descendit rejoindre ses frères pour le repas du matin puis vint l’heure de la première messe. Pour la première fois de sa vie, Deacon n’alla pas à la messe. Il se sentait de moins en moins à sa place au sein de cette communauté. Comment pouvait il devenir prêtre alors même qu’il était de moins en moins sur de sa foi chrétienne et de surcroit renoncer à l’amour d’une femme alors même qu’à quelques miles de l’église, dans le quartier juif, vivait la plus jolie créature du Seigneur et celle-ci avait le pouvoir de faire battre son cœur comme il n’avait encore jamais battu auparavant. Il se rendit dans sa cellule, relu tour à tour les Evangiles et la Thora dans l’espoir de trouver une réponse à ses questions mais en vain. Il soupira rangea les livres dans le tiroir puis descendit trouver l’évêque.
Il frappa à la porte.
- Entrez ! s’écria une voix qu’il ne reconnaissait pas.
- Monseigneur, il faut absolument que je vous parle… Mais vous n’êtes point Monseigneur Di Falco !
- Monseigneur Di Falco a été transféré à Rome pour être auprès du Saint père.
- A Rome ?
- Notre Saint Père, le Pape Honorius IV, là appelé à Rome pour être à son service.
- C’est une décision assez soudaine.
- Le messager est arrivé ce matin même. Monseigneur Di Falco n’à point eu le temps de dire adieu à ses futurs prêtres. Un char les attendait pour les amener à Londres où ils prendront le bateau jusqu'à Rome.
C’est donc moi qui à partir d’aujourd’hui est nommé évêque de cette congrégation, mon fils.
Pardonnez moi, mon fils, je manque à tous mes devoirs : je suis Monseigneur Aava mais vous pouvez m’appeler Aava tout simplement.
- Jamais je n’oserai !
- Je vous le demande comme un service d’un père à son fils. A présent si vous êtes là c’est que quelque chose vous tracasse. Dites moi ce que c’est.
Deacon était totalement déconcerté. Cet évêque ne ressemblait en rien à tous les évêques qui il avait pu rencontrer depuis son enfance. Sa manière de parler, sa façon de parler aux étudiants en prêtrise… étaient des plus étranges.
- Monseigneur Aava …
- Point de « Monseigneur », juste Aava.
- Qu’avez-vous mon fils ?
- J’aimerais prononcer mes vœux des aujourd’hui, Monseigneur.
- Pourquoi ?
- Je me sens prêt à vouer ma vie au Seigneur.
- Vraiment ?
- Pourquoi en doutez-vous ? J’ai travaillé très dur pour en arriver là. Aujourd’hui je suis prêt-à-propager la bonne Parole comme le firent, Peter, Paul, John et Mathiew.
- Etes vous certain que c’est bien ce que vous désirez ?
- Oui, Monseigneur.
- Je vous ai demandé de ne point m’appeler ainsi mais simplement, Aava.
- Pardonnez-moi, Mons… Aava, je ne suis point habitué à ce genre de chose.
- Vous êtes tout excusé mon fils mais pourquoi vouloir précipiter votre ordination ?
- Je vous l’ai dis : je suis prêt à prononcer mes vœux.
- Mais encore. Dites moi plutôt ce que vous ne dites point.
- J’ignore ce que vous me dites là, Aava.
- Vraiment ? Etes vous bien sur que prononcer vos vœux soient bien ce que souhaitez ?
- Bien sur.
- Alors pourquoi ais je la sensation que votre âme est torturée.
- Elle ne l’est point.
- Dois-je vous rappeler que le mensonge est un péché ?
- Ce n’est point un mensonge, c’est juste que… depuis tout petit mon père fit le projet qu’un jour je devienne prêtre et ce jour là il fera de l’Eglise son héritière. Je ne me suis jamais opposé aux projets de mon père jusqu'à maintenant… mais je fis la connaissance d’une jeune fille et je l’aime comme je n’ai encore jamais aimé.
- Qui y’a-t-il de mal ? L’amour humain est un don de Dieu, mon enfant l’auriez vous oublié ? Mais pourquoi ais je l’étrange sensation que vous ne me dites point tout ? Ces sentiments ne sont t’il point partager par la jeune fille en question ?
- Bien au contraire, ils le sont. Nous nous aimons mais son père s’oppose à notre union.
- Pourquoi donc ? Cette jeune fille est elle promise à quelqu'un d’autre ?
- Pas à ma connaissance.
- Vous n’êtes pas du même monde ? Cette jeune fille vient elle d’un milieu social plus élevé que le votre ?
- Non, ce n’est point là le problème. Bridget est sans le sou mais je l’aime plus que tout au monde et ces sentiments sont partagés.
Bridget est la fille de Rabénou Isaac : le rabbin de notre ville.
- Je vois, dis l’ange qui avait pris pour l’occasion une forme masculine. Êtes-vous conscient de ce qui arrive à ce peuple ?
- Oui, Mon…Aava. Je le suis et je suis prêt à prendre tous les risques pour vivre auprès de celle que j’aime.
- Alors qu’attendez-vous ? Pourquoi restez vous encore ici si votre cœur appartient à cette jeune fille? Rappelez-vous le livre de Ruth.
- Le livre de Ruth ?
- Partez d’ici, Deacon, retournez auprès de celle que vous aimez et que Dieu vous protège.
***
Deacon frappa à la porte de Rabénou Isaac. Bridget vint lui ouvrir.
- Deacon ? Que faites-vous ici ?
- Bridget, ma douce amie, votre père se trouve t’il en ces lieux ?
- Non, mon ami, il est sorti.
- Pouvons-nous parler ?
- Il n’est point correct pour une jeune fille de laisser entrer un jeune homme en l’absence d’un chaperon. Mais je suppose que c’est différent pour un futur prêtre.
- Bridget, mon aimée, je dois vous le dire, il ne serait point honnête de vous cacher ce fait afin de m’introduire chez vous. J’ai renoncé à la prêtrise.
- Plait-il ?
- Je vous aime ma douce amie. Je n’ai jamais qui que ce soit comme je vous aime.
Bridget regarda autour d’elle.
- Entrez !
Tous deux éprouvaient un certain malaise à être seuls sans chaperon autour d’eux. Ce fut Bridget qui rompit le silence.
- Ainsi donc vous avez renoncé à prononcer vos vœux.
- Je ne pouvais pas devenir prêtre en vous aimant comme je vous aime, Bridget. Cela m’eut été impossible.
- Je vous aime aussi, Deacon, mais la loi nous interdit cet amour. Nous ne pourrons jamais être ensemble.
- Nous le pourrons mon aimée. J’ai bien l’intention de me convertir à la loi de votre peuple et je vous épouserai.
- Vous ne savez pas ce que vous dites, votre évêque ne vous laissera jamais faire une telle chose.
- Bien au contraire, c’est l’évêque lui-même qui ma encouragé à venir vous trouver.
- Plait-il ?
Deacon sourit.
- Il s’est produit une chose inattendue, Mgr Di Falco a été rappelé à Rome par sa Sainteté le Pape Honorius IV. Il fut remplacé par un nouvel évêque Mr Aava. C’est lui qui m’encouragea à venir vous trouver. Aava : ce mot signifie amour en hébreu. Mon aimée, ceci est un signe de Dieu, j’en ai la profonde conviction. Il me la envoyé afin de me rappeler à quel point je vous aime. De plus il me conseilla de relire le livre de Ruth la Moabite ce que j’ai fais. Rappelez vous ces paroles, ma bien aimée : Mais Ruth dit :
'N'insiste pas auprès de moi pour que je te quitte et que je m'en retourne sans te suivre, car là où tu iras, j'irai ; là où tu demeureras, je demeurerai ; ton peuple sera mon peuple et ton D.ieu sera mon D.ieu. Là où tu mourras, je veux mourir aussi et y être enterrée, que l'Eternel m'en fasse autant et plus, si toute autre chose que la mort me séparait de toi.'Ceci, mon aimée, est ce que je désire de tout mon cœur.
- Vous devez en parler avec mon père.
A cet instant Rabénou Isaac entra.
- Deacon, je vous avez demandé de ne plus revenir dans cette maison ! Vous mettez ma vie et celle de ma fille en danger en plus de la votre.
- Pardonnez-moi, Rabbi Isaac mais je ne pouvais point ne plus revenir. Il m’est impossible de vivre sans Bridget c’est pourquoi j’ai pris la décision de rejoindre votre peuple.
- Je vous l’ai dis mon garçon, en d’autre temps j’aurais été ravis d’accepter votre requête et de vous accorder la main de mon unique fille. Vous êtes le fils que je n’ai point eu et que j’aurais tant souhaité avoir. Mais même si j’acceptais votre évêque s’y opposerait, il en informerait votre pape et Dieu seul sait ce qu’il arrivera.
- Sauf mon respect, Rabbi, mon évêque ne n’informera pas sa Sainteté. Bien au contraire c’est lui qui m’encouragea en m’incitant à relire le livre de Ruth. Rabbi, vous savez à quel point j’avais des doutes sur ma foi et sur mon engagement envers le Christ à fortiori des le jour où je posai mes yeux sur ce de Bridget. J’ai essayé de respecter votre volonté, Rabénou Isaac. Ce matin je fus sur le point de prononcer mes vœux. Non point par foi mais par refuge afin d’essayer d’oublier celle pour qui bat mon cœur. Or Mgr Aava a lu en moi comme dans un livre et refusa de me laisser prononcer mon engagement.
- Quel nom avez-vous dis ?
- Aava.
- Aava ?
- C’est le nouvel évêque d’Oxford.
- Qu’est devenu Mgr Di Falco ?
- Il a été appelé à Rome et Mgr Aava le remplace. Rabénou Isaac : je suis certain que c’est un signe de Dieu pour m’avoir envoyé un évêque dont le nom signifie Amour en hébreu au moment même où je m’apprêtais à renoncer à mon destin.
- Je suis désolé mais je ne peux accepter votre requête et encore moins vous accorder la main de ma fille.
- Père, je vous en prie !
- Je suis désolé, ma fille, mais la loi du pays et la loi : je ne puis accéder à la requête de Deacon. Croyez moi mon garçon, cela n’en est en rien contre vous. Vous êtes mon meilleur élève et j’aurais été très fier de vous avoir pour fils en vous accordant la main de ma fille.
- Alors faites le, père ! Je vous en supplie.
- Rabbi Isaac, s’il vous plait…
- Je suis désolé mon enfant. Si la loi avait été différente, avec un autre pape… je vous demande de partir et de renoncer pour toujours à votre projet et d’oublier ma fille. Je suis certain que votre père comprendra si vous lui dites renoncer à la prêtrise et vous ne tarderez pas à vous marier avec une jeune fille de votre rang social et… chrétienne.
- Il n’y aura jamais d’autre femme dans ma vie que Bridget, chrétienne ou non. Bridget est ma bien aimée et elle le restera.
Deacon regarda Bridget : tous deux avaient les larmes aux yeux.
- Bridget, ma douce amie. Comme il aurait été doux de vous avoir pour épouse.
- Partez, mon ami, je vous en supplie, partez, dit elle la gorge nouée.
- Que Dieu soit avec vous, mon garçon.
Deacon regarda le rabbi avant de jeter un dernier regard sur celle qui faisait battre son cœur et parti.
Bridget s’effondra en larmes sur le banc.
- Pourquoi, père ? Pourquoi avoir refusé ?
- Notre Loi nous interdit d’épouser un gentil.
- Il était prêt à rejoindre notre Peuple par amour pour moi.
- Son pape l’interdit. Si j’avais accepté, je nous aurais mis autant en danger que lui. Vous ne voudriez pas qu’il lui arrive quelque chose n’est ce pas ?
- Vous dites toujours que Dieu nous protège. Je suis sure qu’Il protégera Deacon.
- Dieu nous demande d’obéir au roi et le Roi fut placé sur le trône par le Pape de Deacon et des gens de sa foi et le Pape interdit les conversions des chrétiens à notre peuple.
- Dans ce cas si Dieu n’est pas plus fort que le Pape et qu’il laisse deux êtres qui s’aiment vivre séparer toute leur vie alors cela signifie que Dieu n’existe pas !
- Ma fille je vous défends de parler ainsi !
- Comme vous me défendez d’aimer Deacon ?
- La colère et le chagrin vous font perdre la raison. Une bonne nuit de sommeil vous remettra les idées en place. Pour cette nuit, je vous dispense de faire votre chéma.
- Tant mieux car je n’avais point l’intention de le faire.
- Bonne nuit, ma fille.
***
La mort dans l’âme, Deacon rentra au couvent et s’allongea sur sa paillasse. Il toisa le crucifix sur le mur face à lui.
- D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu foi en vous. Je croyais que vous étiez un Dieu d’amour. Mais c’était faux. Fadaise que cela. Si vous étiez vraiment ce que vous prétendez être, vous ne obligeriez jamais deux êtres qui s’aiment d’un amour aussi sincère et pur que celui qui uni Bridget et moi à devoir renoncer l’un à l’autre. Nous nous aimons. Je l’aime comme je n’ai jamais aimé personne dans ma vie, pas même vous ! Mais suis-je bête, vous êtes jaloux de la profondeur de nos sentiments et pour vous venger vous nous maintenez séparer. Vous croyez sans doute qu’en agissant que je vais aller parcourir le monde et me battre en votre nom en assassinant au passage le peuple de celle que j’aime, mais vous vous trompez lourdement. Jamais je ne le ferai.
***
- Deacon ! Mon fils, quel plaisir de vous voir ! Entrez donc, il fait un froid de canard dehors.
- Merci, père, dit il en entrant.
- Voulez vous un verre de vin ? En tant que futur prêtre, me feriez-vous l’honneur de bénir mon vin, mon fils ?
- Je ne peux pas.
- Vous ne pouvez pas ? Pourquoi donc ? Vous n’allez plus tarder à prononcer vos vœux à présent, ce n’est plus qu’une question de jours, de semaines au plus. Votre mère et moi attendons ce moment depuis votre venue au monde. Votre mère en a déjà parlé à toutes ses amies, vous connaissez les femmes. Elle est si fière de vous.
- Deacon ! Mon fils ! Quelle joie de vous voir !
- Bonjour, mère.
- Je présume que vous êtes là pour nous annoncer la date de votre ordination. O Deacon, mon fils, je suis tellement fière de vous. Depuis que vous êtes né, nous savions votre père et moi que vous serez voué à des grandes choses. La prêtrise n’est qu’un début. Avec votre ambition et l’argent que votre père compte donner à l’Eglise, vous ne resterez pas longtemps prêtre, vous serez très vite évêque, puis cardinal et qui sait, peut être un jour deviendrez vous pape à votre tour.
- Je ne serai jamais pape, mère.
- Qu’en savez-vous ? De toute manière, il est certain qu’un jour vous serez cardinal et cela sera pour votre père et moi une fierté encore plus grande que celle que nous éprouvons à l’idée de votre prochaine ordination. Avez-vous enfin la date que je puisse convier mes amies ?
- Il n’y aura pas d’ordination.
- Plait-il ?
- Comment voulez vous devenir prêtre sans passer par l’ordination ?
- Je ne deviendrai point prêtre.
- Plait-il ?
- Je ne puis devenir prêtre car mon cœur appartient à une jeune fille.
- Deacon, depuis que vous êtes venu au monde votre mère et moi avons décidé que vous deviendrez prêtre.
- Geoffroy, si notre fils souhaite se marier peut être devrions nous le laisser s’exprimer. Il se pourrait que la jeune fille arrive avec une énorme dote et vous connaissons vous trouverez comment placer cet argent. Peut être même connaissez vous le père de la jeune fille en question.
- Tres bien, je vous écoute. Comment s’appelle-t-elle ?
- Son nom est Bridget.
- Bridget ? Est-elle la fille d’Adelaïde et Godefroy Edmond ? Si c’est le cas c’est une merveilleuse nouvelle. A défaut de devenir prêtre vous ne pourriez pas trouver de plus délicieuse jeune fille. Qu’en dites-vous, Médéric ?
- S’il s’agit de cette jeune fille alors je pourrais vous pardonner votre trahison envers notre Seigneur.
- Il ne s’agit point d’elle. La jeune fille pour qui mon cœur bat est la fille de Rabbi Isaac.
- Plait-il ?
- Vous n’êtes pas sérieux ?
- Je suis très sérieux au contraire, père. J’aime cette jeune fille et j’ai l’intention de l’épouser.
- La fille d’un rabbin ?
- Oui.
- Vous voulez épouser la fille d’un rabbin ?
- Je veux me marier avec la jeune fille dont je suis épris.
- Une juive ?
- Peut m’importe sa foi, je suis épris d’elle des le premier jour où son regard a croisé le mien.
- Deacon, vous rendez vous compte de ce que vous me dites ? Vous étiez promu à une merveilleuse carrière en servant notre Seigneur Jésus Christ. Vous y renoncez parce que vous souhaitez vous marier et pour faire plaisir à votre mère j’accède à votre requête mais au lieu de nous ramener une jeune fille de bonne famille vous dites vouloir épouser une juive, fille de rabbin de surcroit !
- Bridget est une fille de bonne famille. C’est une vraie beauté, ses cheveux ont la couleur de l’or, des magnifiques yeux bleus, une taille…
- STOP ! Je ne veux rien savoir de plus. L’évêque n’acceptera jamais de bénir une telle mésalliance. Sa Sainteté Honorius II ne laissera pas une telle ignominie se produire.
- Il n’y a rien d’infâme à épouser la jeune fille qui fait battre notre cœur. Quand à Honorius… je me passerai de son consentement car j’ai l’intention de me convertir à la foi de ma future épouse.
- Non ! hurla sa mère.
- Moi vivant, cela n’arrivera jamais ! Je vous en empêcherai.
- Je vous rappelle que j’ai plus de vingt et un.
- Je vous déshériterai !
- Geoffroy, non, je vous en prie.
- Gretchen, mon amie, restez en dehors de tout cela je vous prie. Ceci est une affaire d’homme.
- Vous pouvez me déshériter, cela n’a aucune importance. Bridget n’a jamais beaucoup d’argent et je suis prêt à travailler à labourer les champs tous les jours s’il le faut mais je ne renoncerai jamais à mon amour.
- J’aurais pu accepter votre décision de quitter la prêtrise si vous m’aviez annoncé votre mariage avec une fille de notre rang et de notre religion mais au lieu de cela vous m’apprenez vos futures noces avec la fille du rabbin de la ville, qui en plus d’être juive et également sans le sous.
- Deacon, je vous en prie, mon enfant, revenez sur votre décision, il n’est pas encore trop tard. Si vous ne souhaitez plus devenir prêtre, il en sera fait à votre guise. Mes amies et ceux de votre père ont des jeunes filles toutes plus jolie les unes que les autres à qui nous pourrions vous présenter. Elles ont seront ravies. Votre père et moi auront ainsi l’opportunité de devenir grands parents et notre fortune restera dans la famille.
- Vous ne comprenez pas, mère. Il ne s’agit pas d’une jeune fille quidam mais d’elle : de Bridget, fille de Rabénou Isaac. Je l’aime comme je n’ai jamais aimé personne dans ma vie. L’amour que je ressens pour elle est si fort. Je n’ai jamais ressentis cela auparavant.
- Sortez de chez moi et surtout ne revenez jamais dans cette maison ! Vous n’y êtes plus le bienvenu.
- Comme je vous plains, père, si seulement un jour vous pouviez aimer mère au moins avec la moitié des sentiments que j'éprouve pour Bridget alors vous comprendriez.
- Baliverne que cela, le mariage n’est pas une question d’amour mais de bon sens et celui-ci n’en ai pas un ! Sortez !
- Au revoir, mère.
Deacon se pencha vers elle et déposa un baiser sur sa joue avant de s’en aller.
***
Assis à son bureau à la synagogue, Rabénou Isaac était entrain en pleine préparation de la paracha de la semaine, quand soudain son bureau s’éclaira d’une lumière extraordinaire. Une lumière qu’il n’avait encore jamais vu au cours de sa vie.
- Dieu vous bénisse, Rabénou Isaac.
Le vieux rabbi sursauta et laissa tomber sa plume sur le bureau.
- Qui êtes vous ? Comment êtes-vous entré ?
- N’ayez crainte, Rabbi Isaac, je viens ici en ami. Je m’appelle Mashia et voici Aava…
- Aava ? Vous êtes le nouvel évêque d’Oxford ? Pardonnez mon impertinence mais il est plutôt étrange pour un homme de votre rang et de votre foi d’avoir choisi un tel nom lors de votre engagement envers votre Dieu.
- Ce nom me fut donné par Dieu lui-même : il correspond à ma mission.
- Votre mission ? Votre futur prêtre, mon meilleur élève, me toucha quelques mots sur vous.
- Deacon ne sera jamais prêtre.
- Je vous en prie, ne le punissez pas : c’est un garçon bien. Il saura faire le bien autour de lui.
- Vous méprenez, Rabbi Isaac : il n’est nullement dans mes intentions de punir ce garçon, bien au contraire.
Dans la nuit froide, à l’éclairage d’une bougie, Bridget marchait tout en se retournant afin de voir si personne ne la suivait. Elle était vêtue d’une longue cape noire, la capuche relevait. Enfin elle atterrit devant une maison élégante dans le quartier ouest de la ville, bien loin de la juiverie. Elle frappa à la porte. Un laquais en tenue lui ouvrit.
- Que puis je vous pour vous ?
- J’aimerais visiter votre Seigneur est il ici ?
- Qui dois-je annoncer ?
- Adelphe, j’ai entendu frapper…
Malgré sa capuche, Deacon reconnu Bridget.
- Cela ira, Adelphe, je n’aurai plus besoin de vous pour la soirée. Vous pouvez disposer.
- Comme il vous plaira, Seigneur.
- Encore une chose, Adelphe : personne n’est venu ce soir.
- Entendu, Seigneur.
Le laquais sortit, Deacon saisit les mains de Bridget dans les siennes.
- Bridget, mon amie, mon aimée. Que venez-vous faire ici à une heure pareille ? Vous n’êtes pas malade ?
- Deacon, serrez moi dans vos bras.
- Bridget, mon aimée, qui y’a-t-il ?
- Père et moi discutâmes longuement après votre départ. Il ne reviendra pas sur sa décision : comprenez le, Deacon, il vous aime ; vous êtes le fils qu’il aurait tant aimé avoir : mais il a peur, il a très peur de votre Pape et jamais il n’enfreindra ni la loi de notre Peuple, ni celle de notre Roi. Mais je vous aime, mon ami, je ne puis imaginer ma vie sans vous, c’est pourquoi j’en suis arrivée à la seule conclusion possible qui obligera mon père a vous accepter au sein de notre peuple et vous accordez ma main : aimer moi, Deacon. Faites de moi votre femme : maintenant !